La première raison qui pourrait être invoquée est : pour raison économique.

Effectivement, on peut considérer qu’avec des mouches à 3 € l’unité (moyenne sur des sites spécialisés), on peut rapidement gagner de l’argent en les faisant soi-même.

Mais est-ce une vérité ?

Si on fait un rapide calcul, pour monter des mouches, il faut au minimum :

Un étau : de 15 € à 100 € (pour rester dans des limites raisonnables)

Quelques outils : de 3 € à 5 € (là aussi pour rester raisonnables), prenons un minimum d’outillage : Deux porte-bobines, une pince à hackle, une paire de ciseaux, une aiguille à dubbing qui fait aussi outils pour les nœuds, on est à 5, soit entre 15 et 25 €.

Des hameçons : de 4 à 5 € les 25

Il nous faut ensuite quelques matériaux du type : Fil de montage, cou de coq, un peu de pardo, de la mousse, du paon, des quills, quelques substituts, et autres éléments achetés. (Admettons que l’on s’en sorte pour une cinquantaine d’euros.)

Et bien sûr des matériaux que l’on peut récupérer auprès de nos amis chasseurs : lapin, lièvre, queue de faisan, chevreuil, bécasse,… (Coût : 0 €, ou plus généralement le prix d’une bouteille :D)

Bref, si nous faisons une rapide étude pour 100 mouches :

Prix d’achat des mouches artificielles dans le commerce : 3 x 100 = 300 €

Prix de fabrication :

15 (étau) + 15 (matériel) + 100 (4 x 25 d’hameçons) + 50 (de matériaux) = 180 €

Vu comme ça, on y gagne… Beaucoup même !

Sauf qu’il va falloir passer quelques heures derrière l’étau… (ça aussi, c’est dans le prix quand on paie 3 € la mouche)

En admettant un coût horaire de 8 € de l’heure, et 10 minutes pour monter une mouche (le temps de s’installer, préparer ses matériaux, faire sa petite série de mouches et ranger), pour monter nos 100 mouches il nous faut 100 x 10 = 1 000 minutes, soit 1 000 / 60 = 17 heures de montage, soit 134 € de main d’œuvre…

Oups… 180 + 134 = 314 €

Là, ce n’est pas la même chose… On y perd.

Bien entendu, on peut me dire, oui, mais l’étau et le matériel, il faut l’amortir sur plus de 1 000 mouches… Ok, je prends note…

Prix d’achat des 1 000 mouches : 3 000 €

Coûts de fabrication :

180 + 160 (4 x 40) + 500 (50 X 10) = 840 €

Main d’œuvre : 1 000 x 10 (min) = 166 heures = 1 330 €

1330 + 840 = 2 170 €

Yes, on y gagne !!! Mais il faut en monter de la mouche !!!

Bien non en fait, on n’y gagne pas…

Parce que comme tous les pêcheurs, on ne se contente pas de l’étau à 15 €, on va commencer avec ça et puis on va craquer pour celui à 100 € (quand ce n’est pas plus), et les petits outils, on va en acheter (dont certains qui ne serviront qu’une ou deux fois), et des matériaux, on finira par en avoir de pleines caisses, sans compter les livres de montages, et nombre d’heures passées devant l’écran à regarder des vidéos…

Bref, on ne monte pas ses mouches pour gagner de l’argent.

On monte ses mouches par ce qu’on est libre de monter LA mouche que l’on a à l’esprit. Celle que l’on imagine (à chaque enroulement de fil sur l’hameçon) atterrir sur l’eau en douceur, descendre de quelques centimètres le bord de la veine principale avant de disparaître de la surface dans une aspiration énorme…

C’est pour le plaisir de se dire un jour : j’ai pris ce poisson avec MA mouche, celle que j’ai montée, imaginée, revisitée puis améliorée pour correspondre non pas aux standards des livres, mais à mon envie, ma perception de ce que doit être MA mouche.

Monter des mouches, c’est pêcher par procuration les jours où la météo ne permet pas de le faire et que l’on en a envie. Ou encore pendant la période de fermeture lorsque le moment de ressortir le matériel approche, que l’envie de reprendre la canne commence à se faire sentir…. C’est là qu’il est souvent sympathique de s’asseoir, d’ouvrir ses boites et de les compléter des modèles disparus ou de nouveaux modèles à tester… Monter ses mouches artificielles, c’est pour le plaisir avant tout, car il faut prendre son temps, savourer ce moment où l’on est seul face à son étau à imaginer, puis mettre en forme sa création, en espérant que dans quelques semaines, quelques jours, parfois quelques heures ou minutes, celle-ci nous fera bondir le cœur lorsque la canne se cambrera sous le poids d’un poisson…